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Etre femme en Afrique

Etre femme en Afrique

Les droits des femmes en Afrique sont une question cruciale, alors que de nombreuses femmes continuent de subir des abus. Cependant, de plus en plus d’acteurs communautaires, de femmes influentes et de jeunes militantes se mobilisent pour faire avancer la cause.

8 mars: journée internationale du droit des femmes. Etre une femme en Afrique, c’est être confrontée à une réalité marquée par des violences inacceptables. Les statistiques révèlent une triste réalité : l’Afrique est la région du monde où les femmes sont les plus exposées à la violence de la part de leurs partenaires intimes ou de leur famille. L’Afrique du Sud se distingue tristement en enregistrant un nombre alarmant de décès de femmes causés par leurs conjoints.

Les féminicides, un fléau mondial, touchent en premier lieu les femmes au sein de la famille, les travailleuses du sexe, mais aussi les femmes âgées isolées ou les jeunes filles orphelines victimes d’accusations de sorcellerie dans des contextes de conflits armés, comme en République démocratique du Congo. Ces actes d’anéantissement s’inscrivent souvent dans un continuum de violences physiques, sexuelles, psychologiques et économiques.

Les violences basées sur le genre, qualifiées par l’ONU de la violation des droits humains la plus répandue mais la moins visible au monde, touchent de manière massive les femmes africaines. Les chiffres alarmants révèlent que 65 % des femmes en Afrique centrale et 40 % en Afrique de l’Ouest ont subi des violences, des chiffres sous-estimés en raison de la peur de la stigmatisation qui dissuade les victimes de dénoncer leurs agresseurs.

Malgré des avancées dans la lutte contre les violences basées sur le genre, avec l’intégration de ces problématiques dans les agendas politiques des États africains, les politiques mises en place peinent à produire des résultats concrets. Les campagnes de sensibilisation et les programmes d’autonomisation financière ne remettent pas en question les dynamiques de pouvoir qui sous-tendent les relations hommes-femmes, comme l’a souligné la sociologue Fatou Sow.

La domination masculine se reflète dans l’indice d’inégalité de genre établi par l’ONU, plaçant de nombreux pays subsahariens en bas du classement. Derrière les chiffres se cachent des réalités complexes et des violences multiples, touchant particulièrement les femmes les plus vulnérables. Les mariages précoces ou forcés, les violences conjugales et sexuelles, ainsi que la privation de ressources économiques sont autant de défis auxquels les femmes en Afrique sont confrontées. Malgré des progrès en matière de santé maternelle, le taux de mortalité des femmes en couches en Afrique subsaharienne demeure le plus élevé au monde, en particulier parmi les adolescentes.

Les mutilations génitales féminines demeurent une pratique préoccupante en Afrique, malgré les interdictions en vigueur dans de nombreux pays. En Guinée, 97 % des femmes ont été excisées, soulignant l’ampleur du problème. De même, des pourcentages alarmants sont observés dans d’autres pays tels que le Burkina Faso, le Sénégal et le Mali.

Malgré les efforts déployés pour criminaliser ces pratiques et sensibiliser la population, les autorités se heurtent souvent aux traditions et au droit coutumier, notamment en milieu rural. Cette résistance entrave la judiciarisation des violences sexuelles et perpétue un climat d’impunité, comme observé en Guinée.

Face à ces défis, de nouveaux acteurs se mobilisent pour changer les mentalités et protéger les femmes. Des figures influentes telles que les chefs religieux, les autorités traditionnelles et les femmes engagées émergent comme des intermédiaires légitimes, capables d’influencer les comportements plus efficacement que les ONG.

Au Togo, les « fiosron » interviennent auprès des maris pour condamner les violences conjugales, tandis qu’au Tchad, les « super banat » agissent comme médiatrices pour sensibiliser les familles. Au Sénégal, des imams s’impliquent également en prêchant contre les violences conjugales et en promouvant la planification familiale.

Malgré ces initiatives louables, des obstacles persistent. Les résistances conservatrices, l’instrumentalisation politique du concept de « genre » et les pressions religieuses compliquent les actions de sensibilisation. Pour surmonter ces défis, il est essentiel de continuer à mobiliser divers acteurs et à adapter les discours pour mieux sensibiliser la population.

Les intermédiaires dans la lutte contre les pratiques néfastes envers les femmes en Afrique se heurtent à plusieurs défis de taille. L’un de ces défis majeurs réside dans la résistance de certaines aînées, dont le soutien est souvent crucial pour mettre fin à ces pratiques. Par exemple, en ce qui concerne l’excision, Fatimata Sy constate que les grand-mères continuent de défendre cette pratique en affirmant que c’est bénéfique, ce qui entrave les efforts de lutte, car ce sont souvent elles qui encouragent la mutilation de leurs filles et petites-filles.

Un autre obstacle auquel ces intermédiaires doivent faire face est l’intériorisation des stéréotypes sexistes par les femmes elles-mêmes. Au Niger, par exemple, une étude du ministère de la population a révélé que 60 % des femmes interrogées estiment qu’un homme a le droit de battre son épouse si elle refuse d’avoir des rapports sexuels avec lui ou entre en conflit avec lui. De plus, plus de trois femmes sur dix justifient ce comportement lorsque la femme brûle de la nourriture.

À une époque où les voix des féministes du continent gagnent en influence, il est crucial de soutenir les intermédiaires communautaires et de promouvoir la scolarisation massive des filles pour endiguer l’épidémie silencieuse des violences basées sur le genre. Comme le souligne Fatimata Sy, « La vie des Africaines compte si peu. Cela doit cesser. »

Il est impératif de surmonter les obstacles liés aux croyances ancrées et à l’intériorisation des stéréotypes sexistes pour progresser vers une société plus égalitaire et respectueuse des droits des femmes en Afrique.

Jean Marc Digbeu