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Ma patrie c’est l’amour

Ma patrie c’est l’amour

Les femmes iraniennes ont toujours été des pionnières dans la lutte pour l’égalité et l’émancipation. L’histoire de Tahireh, poétesse et féministe iranienne du XIXe siècle, est un exemple inspirant de courage et de détermination face à l’oppression.

Dès sa jeunesse, Tahireh a montré un intérêt pour l’éducation et la connaissance, malgré les normes restrictives de l’époque. Née en 1817 dans une famille musulmane pieuse en Perse, elle a eu la chance rare d’être autorisée par son père à assister à ses cours, lui permettant ainsi d’acquérir un savoir précieux et de nourrir sa soif de savoir.

Malgré un mariage précoce à l’âge de 13 ans avec un cousin rigoriste religieux, Tahireh a continué à cultiver son esprit et à échanger avec des intellectuels de renom. Sa rencontre avortée avec Sayyed Kazem Rashti, un défenseur d’une vision plus progressiste de l’islam, a marqué un tournant dans sa vie. En 1843, à l’âge de 26 ans, elle a bravé les conventions en quittant son mari et ses enfants pour se rendre en Irak dans l’espoir de le rencontrer.

Bien que Rashti soit décédé avant son arrivée, Tahireh a été remarquée pour sa sagesse, son intelligence et sa beauté. On lui a offert l’opportunité d’enseigner au même endroit où Rashti avait enseigné, une proposition révolutionnaire pour l’époque. En divisant la pièce en deux avec un rideau, les hommes d’un côté et les femmes de l’autre, Tahireh a pris place parmi les femmes pour transmettre ses idées de réforme du chiisme.

Tahireh prend fait et cause pour le babisme

Dans la Perse des années 1840-1850 ,en plein bouillonnement politique et religieux, la jeune poétesse s’oppose aux mollahs corrompus et dénonce l’hypocrisie de la société. Tahireh devient une apôtre du babisme naissant. Ce mouvement religieux, issu de l’islam mais qui s’en éloignera, prône une nouvelle ère et réclame plus d’égalité sociale. « Elle prônera dans ses prêches l’égalité des hommes et des femmes, une réforme profonde de la société regardant le divorce, l’héritage, mais également progressivement, une critique directe de la charia », précise Yves Bomati.

L’aura de Tahireh grandit, grâce à ses prêches et à sa poésie engagée :

« Nul cheikh ne siégera plus 
sur le trône de l’hypocrisie !
Nulle mosquée ne fera plus
commerce de la piété ! (…)
La tyrannie sera terrassée par la main de l’égalité.
L’ignorance sera démolie par la force de la vérité.
La justice étendra son tapis en tout lieu
et l’amitié plantera ses arbres partout. »

« L’aube véritable », Tahireh Qurrat al-‘Ayn, traduction de Jalal Alavinia

Tahireh, une figure emblématique de l’histoire, a laissé une empreinte indélébile dans la lutte pour l’égalité entre hommes et femmes. Sa vie tumultueuse et ses idées révolutionnaires ont secoué les fondements de la société de son époque, défiant les normes établies et inspirant des générations entières.

Accusée à tort du meurtre de son beau-père, Tahireh a été placée en résidence surveillée à Téhéran. Cependant, grâce à l’intervention de disciples du babisme, elle a été libérée et a continué à militer avec une passion et une détermination inébranlables. En 1848, elle a joué un rôle crucial dans l’organisation d’une conférence visant à définir les principes du babisme et à rompre avec les traditions oppressives du chiisme.

Lors de cette conférence historique, Tahireh a choqué la société conservatrice de l’époque en enlevant son voile devant une assemblée d’hommes. Ce geste courageux et révolutionnaire a marqué le début d’une lutte acharnée contre l’oppression et a galvanisé les partisans du babisme à se battre pour la liberté et l’égalité. Malgré les répressions sanglantes et les persécutions brutales qui ont suivi, Tahireh est restée intrépide et déterminée, refusant de se plier aux pressions du pouvoir central.

Son influence transcendait les frontières sociales, attirant des femmes de toutes classes à sa cause. Sa force de caractère et son leadership indéniable ont fait d’elle une figure vénérée par ses partisans et redoutée par ses ennemis. Même lorsqu’elle a été emprisonnée pendant quatre longues années, Tahireh n’a jamais renoncé à ses convictions et a continué à défendre ses idéaux avec une passion ardente.

« Tahireh bien sûr, qui ne désire pas se morfondre au fond d’un harem et surtout être dans l’obligation de se taire, lui enverra un poème où elle lui dira qu’elle renonce à ce « grand honneur ». Cela dit, son sort ne sera guère enviable, puisqu’à la suite d’un attentat perpétré contre ce Shah fort jeune, en 1852, Tahireh qui n’a que 35 ans sera condamnée, elle aussi, à mourir et elle sera étouffée », nous raconte Yves Bomati.

La vie de Tahireh a été effacée des livres d’histoire, mais elle est perçue aujourd’hui comme la première féministe iranienne. Ce n’est qu’en 1935, que Reza Chah Pahlavi autorise les femmes à se dévoiler. Un droit aboli lors de la révolution islamique de 1979 qui impose le retour du voile… Jusqu’aux récentes manifestations féministes qui remettent en question cette obligation.

Son courage et sa détermination ont marqué l’histoire du féminisme en Iran. Son geste symbolique de retirer son voile lors d’une conférence religieuse en 1848 pour réclamer l’égalité entre hommes et femmes a eu des répercussions durables. L’histoire de Tahireh est un rappel poignant de la lutte incessante pour la justice et l’égalité. Son héritage perdure à travers les âges, inspirant les défenseurs des droits de l’homme et des droits des femmes à poursuivre le combat pour un monde plus juste et équitable. Tahireh restera à jamais une icône de courage, de détermination et de résilience, un phare d’espoir dans les ténèbres de l’oppression.

Aujourd’hui, l’héritage de Tahireh résonne encore parmi les femmes iraniennes qui continuent à se battre pour leurs droits et leur liberté. Son histoire incroyable nous rappelle le pouvoir de l’éducation, de la résilience et de la solidarité dans la lutte pour l’égalité des sexes.

Gérard Flamme