L’industrie du luxe « made in Africa » est en plein essor, avec une nouvelle génération de créateurs africains qui cherchent à s’imposer sur la scène mondiale. Il est temps de reconnaître leur talent et de leur offrir une place légitime sur le marché du luxe.
L’Afrique a toujours été une source d’inspiration pour les grandes maisons de couture internationales, comme en témoignent leurs archives. Aujourd’hui, le secteur du luxe génère un chiffre d’affaires de plusieurs dizaines de milliards de dollars dans le monde, avec une croissance estimée à 10% par an, selon le cabinet New World Wealth. Une grande partie de cette croissance est attribuable à la créativité des meilleurs talents du continent africain, qui apportent quelque chose d’unique à l’industrie : leur vision du luxe durable.
De plus en plus de marques considèrent l’Afrique comme une région stratégique. Des maisons de luxe comme LVMH et Richemont ont établi des partenariats avec des distributeurs haut de gamme en Côte d’Ivoire, tels que Prosuma et Zino, et ont ainsi acquis 60% des parts de marché. En 2018, Virgil Abloh a été nommé directeur artistique chez Louis Vuitton et a mis en valeur le Kente, un tissu emblématique du Ghana, dans sa collection homme. En 2019, le Camerounais Imane Ayissi est devenu le premier créateur d’Afrique subsaharienne à intégrer le calendrier officiel de la Fédération de la haute couture et de la mode de Paris.
Ces succès récents soulèvent la question : l’industrie du luxe est-elle en train de vivre une nouvelle aube africaine ?
La notion de luxe a considérablement évolué ces dernières années, avec des collaborations inédites entre des marques haut de gamme et des marques de streetwear, ainsi que la montée en puissance des ventes en ligne. En Afrique, l’industrie du luxe s’inscrit dans une tradition d’excellence, de rareté et de durabilité. L’Égypte antique, berceau de splendeurs et d’innovations, a posé les fondations du luxe, avec des fragrances subtiles, des bijoux et des monuments majestueux. Aujourd’hui encore, cette tradition perdure, notamment à travers des croisières touristiques haut de gamme entre les villes d’Assouan et de Louxor.
L’entrepreneuriat en Afrique est en plein essor et contribue à la valorisation du patrimoine culturel, créatif et innovant du continent. Il est important d’associer les références du luxe international à des éléments plus locaux, tout en reconnaissant la diversité et la richesse culturelle du continent. Le luxe suscite un engouement au sein de la nouvelle génération panafricaine, répondant à la fois à la demande croissante sur le marché intérieur et à une volonté d’exporter les créations africaines à l’étranger. Le travail de la créatrice nigériane Andrea Iyamah, désormais présent sur des plateformes d’e-commerce prestigieuses telles que Farfetch et Moda Operandi, illustre parfaitement cet élan.
La forte concurrence dans l’industrie du luxe en Afrique est un sujet d’une importance capitale dans le contexte de la croissance économique et de l’émergence d’une classe moyenne aisée sur le continent. Alors que de plus en plus d’Africains accèdent à des niveaux de revenus plus élevés, la demande de biens de haute qualité et de produits de niche est en hausse. Cela crée une opportunité pour les détaillants de produits de luxe de pénétrer le marché africain, mais cela pose également des défis pour les créateurs et producteurs locaux qui doivent faire face à une concurrence féroce de la part de marques étrangères bien établies.
La croissance du PIB par habitant en Afrique favorise une augmentation du pouvoir d’achat, ce qui stimule la demande de produits de luxe. Cependant, les créateurs africains sont confrontés à des obstacles tels que la faible capacité de production et la difficulté de produire en masse des produits de qualité supérieure. Ils doivent souvent externaliser leur savoir-faire pour répondre à la demande croissante, ce qui les met en position de désavantage par rapport aux marques étrangères qui bénéficient d’économies d’échelle et d’avantages dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Malgré ces défis, les créateurs africains mettent en lumière les valeurs ancestrales de toutes les cultures et leurs savoir-faire transgénérationnels. Ils redéfinissent le luxe en mettant l’accent sur l’authenticité, l’éthique et l’histoire derrière leurs produits. Cela offre une opportunité unique de valoriser l’immense patrimoine culturel de l’Afrique et de changer la perception de son artisanat.
Pour que l’industrie du luxe devienne une nouvelle aube africaine et puisse réellement se développer dans les différentes parties du continent et ailleurs, il est urgent de protéger et de valoriser cet immense patrimoine culturel. Il est également nécessaire de soutenir les créateurs locaux en leur fournissant les outils et les ressources nécessaires pour rivaliser sur un pied d’égalité avec les marques étrangères.
Les gouvernements africains peuvent jouer un rôle crucial en mettant en place des politiques et des programmes de soutien pour l’industrie du luxe locale. Cela pourrait inclure des incitations fiscales, des subventions à la production et des initiatives visant à promouvoir le commerce équitable et l’exportation des produits de luxe africains. De plus, il est essentiel de sensibiliser les consommateurs à l’importance de soutenir les créateurs locaux et de valoriser l’authenticité et l’histoire derrière les produits de luxe africains.
L’industrie du luxe « made in Africa » est en plein essor, portée par une nouvelle génération de créateurs talentueux et innovants. Il est temps de reconnaître leur contribution et de leur offrir une place légitime sur la scène mondiale du luxe.
En résumé, la forte concurrence dans l’industrie du luxe en Afrique présente à la fois des défis et des opportunités. Alors que les marques étrangères bien établies continuent de dominer le marché, les créateurs africains ont la possibilité de redéfinir le luxe en mettant en lumière les valeurs ancestrales de toutes les cultures et en racontant des histoires authentiques à travers leurs produits. Il est crucial de soutenir et de valoriser l’industrie du luxe locale pour qu’elle puisse prospérer dans un marché de plus en plus concurrentiel.
Jean Marc Digbeu