L’essor des femmes Africaines dans l’Industrie du Luxe : Une Exploration de l’Entrepreneuriat et de la Maturité des Marchés
[De gauche à droite] Leticia N’Cho Traoré, fondatrice de la conciergerie abidjanaise 3W ; Swaady Martin, fondatrice et CEO d’Yswara et Rosette Rugamba, fondatrice et CEO de Songa Africa. (Crédits : DR/LTA)
L’industrie du luxe a toujours été associée à un certain raffinement et à une clientèle exigeante. Ces dernières années, un changement significatif a été observé dans la dynamique de ce secteur, en particulier en ce qui concerne l’implication croissante des femmes africaines. Connu pour être un marché de consommation de luxe en plein essor, l’Afrique voit émerger un nombre croissant de femmes entrepreneures qui s’intéressent à divers domaines de l’industrie du luxe, allant bien au-delà de la simple mode vestimentaire. Qu’il s’agisse de l’agrobusiness, de la conciergerie ou des voyages, ces femmes explorent les codes d’un marché de niche avec un sens aigu de l’entrepreneuriat.
Un exemple frappant de cette tendance émergente est celui de Swaady Martin, une entrepreneure ivoirienne qui a fondé Yswara, une marque de thé de luxe 100% africaine.
Après une carrière de douze ans chez General Electric, où elle a contribué au développement de la stratégie africaine du groupe, Swaady Martin a embrassé sa passion pour le changement en se lançant dans l’industrie du luxe.
Son intérêt pour l’agrobusiness l’a conduite à créer Yswara après des années de préparation, de consulting pour des entreprises familiales en Afrique et d’implantation d’une startup au Nigeria. Aujourd’hui, Yswara exporte ses produits dans 17 pays à travers le monde, avec des plans d’expansion en Asie et en Europe. Pour Swaady Martin, Yswara est bien plus qu’une simple entreprise : c’est une contribution à la transformation locale des matières premières en produits finis à forte valeur ajoutée, participant ainsi au « rebranding » de l’Afrique.
La réussite de Swaady Martin n’est pas un cas isolé. Elle incarne une tendance plus large parmi les femmes africaines, qui sont de véritables championnes de l’entrepreneuriat féminin dans le monde, avec un taux de 24% de femmes actives selon le rapport 2018 du cabinet Roland Berger. L’intérêt croissant pour le luxe parmi cette population est également soutenu par des données concrètes, telles que la hausse de 8,7% de la population des Ultra high-net-worth en 2017, selon Wealth-X. Ces tendances ont conduit des experts, tels que Deloitte et l’Ifop, à souligner le potentiel croissant de l’Afrique dans l’industrie du luxe, en faisant de ce continent l’une des régions les plus stratégiques au monde en termes de perspectives pour le luxe.
Cette évolution ne se limite pas à la création de produits de luxe. Leticia N’Cho Traoré, une autre entrepreneure ivoirienne, a choisi de se lancer dans la conciergerie de luxe il y a dix ans. Son entreprise, 3W, est devenue une référence locale en répondant aux besoins des propriétaires de cartes bancaires haut de gamme. L’expérience de Leticia met en lumière la maturité du marché de la conciergerie de luxe en Afrique, un secteur où le positionnement et la communication sont essentiels pour réussir.
« Je voulais prendre le pari, d’offrir ce type de services qui manquaient en Côte d’Ivoire. Et dans ma vie d’entrepreneur, j’ai toujours pris le soin d’investir en priorité dans des secteurs de niche, et la conciergerie de luxe en fait partie », argue la jeune patronne qui, distinguée par le Medef et l’Institut Choiseul, prône la discrétion sur ses chiffres.
Le concept du « made in Africa à la Robin des Bois » émerge comme une réponse aux défis et aux opportunités uniques rencontrés par le secteur du luxe en Afrique. Les entrepreneurs comme Jessica Medza Allogo et Aissa Dione ont adopté une approche novatrice, mettant l’accent sur la redistribution des ressources et la valorisation de la main-d’œuvre locale pour créer des produits de luxe. Cette approche non seulement élève la qualité des produits, mais contribue également à l’autonomisation des communautés locales et à la préservation des traditions artisanales.
Jessica Medza Allogo, productrice de thé de luxe, a souligné l’importance du processus de fabrication par rapport au produit final. En s’approvisionnant auprès de paysans dans divers pays africains, elle a mis en place des conditions spéciales pour assurer une rémunération équitable et un impact positif sur la vie des producteurs. Cette approche, qu’elle compare au concept de « Robin des Bois », vise à créer des produits destinés aux consommateurs aisés tout en bénéficiant aux communautés défavorisées à travers la redistribution des ressources.
De même, Aissa Dione, figure emblématique du textile haut de gamme, a établi une usine à Dakar qui a collaboré avec des marques de renommée mondiale telles qu’Hermès et Fendi. En mettant l’accent sur la valeur ajoutée locale du coton, elle a non seulement contribué à l’essor de l’industrie du luxe en Afrique, mais a également créé des opportunités d’emploi et de développement économique dans la région.
Le tourisme de luxe en Afrique a également vu une croissance significative, avec des entrepreneurs comme Rosette Rugamba, fondatrice de Songa Africa, qui ont su capitaliser sur la demande croissante pour des expériences uniques et authentiques. En employant des centaines de locaux pour ses écolodges au Rwanda et en s’approvisionnant auprès d’agriculteurs locaux, Rugamba a démontré l’impact positif que le tourisme de luxe peut avoir sur les communautés locales.
La vision de Rugamba est soutenue par une tendance plus large dans l’industrie du tourisme de luxe en Afrique de l’Est, où l’attrait pour les expériences haut de gamme et l’augmentation des dépenses des classes moyennes et supérieures ont stimulé la croissance du marché. Cette croissance a également été alimentée par l’effet croissant des médias sociaux, qui ont contribué à promouvoir les destinations de luxe en Afrique et à attirer une clientèle internationale diversifiée.
Le « made in Africa à la Robin des Bois » incarne une approche novatrice qui allie le luxe à la responsabilité sociale et à la durabilité. Les entrepreneurs et les entreprises qui adoptent cette approche non seulement élèvent le statut de l’Afrique en tant que destination de luxe, mais contribuent également au développement économique et à l’autonomisation des communautés locales. À mesure que cette tendance se développe, elle offre des opportunités sans précédent pour l’industrie du luxe en Afrique et souligne le potentiel inégalé de la région en tant que pôle d’innovation et de créativité dans le secteur du luxe.
En conclusion, l’émergence des femmes africaines dans l’industrie du luxe est un phénomène fascinant qui témoigne à la fois de la maturité croissante des marchés africains et du potentiel entrepreneurial de ces femmes. Leur intérêt pour le luxe, qu’il s’agisse de la création de marques de renom ou de services haut de gamme, contribue à redéfinir les codes de ce secteur traditionnellement dominé par des acteurs occidentaux. Ces femmes pionnières participent ainsi activement au « rebranding » de l’Afrique, en mettant en lumière la richesse et la diversité de ce continent sur la scène mondiale du luxe.
Gérard Flamme