Ousmane Sow, un nom qui résonne avec force et émotion dans le monde de la sculpture contemporaine ! Son parcours, riche en événements et émaillé de rencontres marquantes, représente l’incarnation même de l’Afrique, de sa culture, de sa profondeur.
Né le 10 octobre 1935 à Dakar, la vibrant capitale sénégalaise, Sow est un un pionnier dont l’œuvre transcende les frontières et touche les âmes. Dès l’âge de sept ans, Ousmane est confronté à l’école coloniale française, une expérience qui le marque profondément. Loin de se laisser abattre, il bénéficie d’une éducation stricte tout en intégrant les valeurs de son père, un homme aux convictions profondes, un musulman éclairé et libéral, qui lui inculque l’importance de la pensée critique. Ce fondement solide deviendra le socle sur lequel Ousmane bâtira sa carrière artistique.
Le jeune Sow, dès ses dix ans, se familiarise avec la matière, taillant des blocs de calcaire trouvés sur le bord de la mer – un premier contact avec l’art qui ne sera que le début d’un cheminement exceptionnel. À dix-sept ans, il complète sa formation dans une école, mais la tragédie frappe quatre ans plus tard avec la perte de son père. Ce décès le pousse à chercher des réponses et des opportunités loin de son Sénégal natal. Il part pour Paris, une aventure qui marquera le début de sa quête identitaire et artistique.
De 1957 à 1961, Sow évolue dans la ville lumière, entre petits boulots et visites à des étudiants des Beaux-Arts. Cependant, il ne trouve pas sa place dans ces murs souvent trop rigides pour un esprit libre comme le sien. Il tourne alors le dos à la sculpture, mais son amour pour l’art ne disparaît jamais. Il complète des études en kinésithérapie, convaincu que le corps humain et l’art ne sont qu’une seule et même chose. En devenant kinésithérapeute, le contact avec le corps humain lui permet de mieux comprendre sa matière de prédilection.
Après avoir pris la décision d’opter pour la nationalité sénégalaise, Ousmane pose un regard critique sur l’enseignement de l’anatomie dans les Beaux-Arts. « Comment comprendre la beauté si l’on ne connaît pas son corps ? » semble-t-il dire à travers son engagement. Son retour à Dakar marque un tournant dans sa carrière artistique. C’est là qu’il commence à ciseler et à façonner des œuvres qui portent en elles les récits et les luttes de son peuple.
La consécration arrive en 1966 avec sa première exposition lors du Festival mondial des arts nègres, où un bas-relief qu’il expose devient le témoin de son talent naissant. Ousmane Sow commence à s’imposer dans le milieu artistique, jonglant entre ses patients et ses aspirations créatrices, transformant même son cabinet de kinésithérapeute en un espace d’expérimentation artistique. L’artiste qui sommeille en lui prend possession de sa vie et de son temps.
Ainsi, en 1978, Sow fait un retour définitif à Dakar, consacrant désormais sa vie à la sculpture. Le pouvoir de ses œuvres réside dans la richesse des matériaux qu’il utilise. En créant son propre matériau, hétérogène et unique, il confère à chaque sculpture une identité forte et indélébile. Cela témoigne de son désir non seulement de créer, mais aussi d’innover et d’expérimenter – un trait distinctif qui fait de lui un véritable alchimiste de l’art.
Les années 1988-1989 marquent un tournant significatif dans sa carrière. À l’aube de la cinquantaine, Ousmane se réinvente à nouveau. La fondation de ses œuvres, les « Nouba », teintées d’une puissance inégalée, captive un public de plus en plus large. Ces sculptures, monumentales et vibrantes, deviennent des symboles d’un héritage culturel, des hommages à l’Afrique et à ses traditions, à sa beauté, à sa lutte et à son espoir.
Ousmane Sow : L’expression sculpturale de l’âme africaine en Europe
Il est des artistes qui, par leur unique prise de position, parviennent à transcender les frontières géographiques et culturelles, et Ousmane Sow en est l’une des plus lumineuses incarnations. De manière inattendue, il redonne vie à l’esprit de l’Afrique, omniprésent à travers ses sculptures. Avec ses figures de Masaïs, où le colossal guerrier debout se dresse tel un vigilant sentinelle, il parvient à insuffler une autorité sans égale à une forme d’art qui semblait être sur le point de disparaître. Par son travail, Ousmane Sow met en scène avec éclat et grandeur une création qui non seulement célèbre les traditions africaines, mais réaffirme aussi leur place vitale au cœur de l’Europe.
Chaque sculpture d’Ousmane Sow présente une unicité fascinante. La profondeur du regard de ses personnages, l’ingénierie des squelettes et le plan des lèvres de ses œuvres ne sont pas de simples détails techniques ; elles sont le reflet d’une personnalisation saisissante, une représentation profondément humaine. Cette particularité a réussi à faire vibrer et animer ses sculptures comme jamais auparavant. Chaque pièce est le fruit d’un dialogue entre le passé et le présent, un hommage vibrant à la richesse des cultures africaines tout en les plaçant dans un espace d’exposition où elles peuvent dialoguer avec d’autres formes d’art contemporain.
L’artiste, originaire du Sénégal, n’est pas resté cantonné à son pays. Ses œuvres ont trouvé leur place dans des lieux emblématiques tels que Dakar, Marseille, Paris, Genève, New York, Tokyo et même la Réunion. Son talent lui a ouvert les portes de la renommée internationale, notamment lors de la Documenta de Kassel en 1992, qui l’a intronisé parmi les grands maîtres de la sculpture, et plus encore à la Biennale de Venise en 1995, où son génie créatif a de nouveau été reconnu et célébré. De cette manière, Ousmane Sow a non seulement exposé son talent au monde, mais il a également permis à l’Afrique de revendiquer son espace sur la scène artistique mondiale.
Cependant, cette sanctification de son art ne l’a jamais éloigné de ses racines. Le retour régulier à son atelier de Médine symbolise pour lui une connexion avec son essence, d’où il continue à donner vie à ses figures emblématiques. Ses guerriers Masaïs, Zoulous, Peuls ainsi que les Indiens de Little Big Horn apportent une humanité singulière qui traverse les océans, se déplaçant par bateau, avion ou camion, mais toujours ancrée dans la tradition et l’histoire. Ousmane Sow prend un soin particulier à rappeler l’importance de ces récits, fusionnant mémoire collective et création contemporaine.
En 1999, son exploration artistique le conduit à s’intéresser aux premiers occupants du « Nouveau Monde ». Sur les rivages d’un océan tumultueux, il restaure la célèbre escarmouche de Little Big Horn, où les Sioux Lakotas, menés par Sitting Bull et Crazy Horse, remportent une victoire décisive contre le septième régiment de cavalerie du général Custer. Par ce travail, il introduit un autre pan de l’histoire dans son univers sculptural, intégrant les luttes et les victoires des peuples opprimés dans une réflexion poétique et politique.
L’année 1999 marque également le tournant de son œuvre avec le passage au bronze, un moment critiqué par certains de ses admirateurs qui craignaient que cette transformation annihile son essence créative. Contre toute attente, cela n’a fait que renforcer la nature plastique de son œuvre, ajoutant une profondeur et une solidité nouvelles, véritable témoignage de son audace artistique. Ses nouvelles sculptures, dans leurs détails raffinés et leur présence imposante, montrent qu’aucun matériau ne peut étouffer la passion d’un artiste déterminé à faire entendre sa voix.
Le destin d’Ousmane atteint un seuil marquant lorsqu’il expose certaines de ses œuvres à la célèbre Whitney Museum à New York. Ce moment construit un pont entre les différentes cultures et met en lumière une narrative afro-américaine puissante. L’artiste, en voyage constant avec ses propres créations, fait souvent escale à Paris, dans son atelier ou sur la petite île de Gorée, mémoire vivante de l’esclavage. Ici, Ousmane Sow ne se contente pas d’explorer son héritage ; il permet à une nouvelle humanité de s’épanouir, émergeant des douleurs du passé pour créer une œuvre d’art qui célèbre la beauté et la résilience de l’âme humaine.
Ousmane Sow, qui a commencé à sculpter dès l’école primaire, se retrouve désormais comme un pionnier, franchissant le Quai Conti pour entrer à l’Académie des Beaux-Arts. Ce chemin parcouru est une source d’inspiration : il fait honneur à tous ceux qui, comme lui, rêvent d’ériger des monuments à leur histoire et leur culture. Sa première œuvre, un petit marin taillé dans le calcaire, n’était qu’un début ; il poursuivra à l’infini cette quête de l’art qui le tourmentera jusqu’à la fin de sa vie.
À l’instar de Michel-Ange et Rodin, Ousmane Sow communique des émotions profondes et universelles à travers ses sculptures. Alors que Michel-Ange dépeint la condition humaine dans sa splendeur et ses faiblesses, Ousmane, lui, va plus loin. Son travail est une exploration de la complexité humaine : ce qui est parfois pénétrant et souvent spéculatif, ce qui surgit et ce qui arrive. À travers la force de ses sculptures, Ousmane Sow légitime non seulement les chaînes de l’histoire mais, surtout, la beauté de la résilience humaine. Ses œuvres, vibrant au rythme des battements de l’âme africaine, continueront à inspirer et à rappeler au monde que, même dans les pires épreuves, la créativité et la beauté peuvent émerger et parler d’un avenir lumineux.
Le travail de Sow est un festin pour les sens, une célébration de la vie et de la diversité des expériences humaines. Chacune de ses créations témoigne d’une profondeur inégalée, mélange de force et de délicatesse, qui appelle à une émotion authentique. En observant ses œuvres, il devient manifestement évident que Ousmane Sow est bien plus qu’un sculpteur ; il est un véritable storyteller, racontant l’histoire d’un continent et de ses peuples à travers la matière.
Ousmane Sow représente l’âme de l’Afrique, son passé et son avenir à travers chaque coup de ciseau. En exposant ses œuvres, il nous offre la possibilité de contempler non seulement l’art, mais aussi la richesse de la culture africaine dans toute sa complexité. Il nous invite à une immersion totale dans l’histoire et les récits qui l’entourent, une exploration profonde de l’humanité dans toute sa diversité.
Ousmane Sow est un messager de l’âme, un artiste audacieux qui a su porter l’Afrique au cœur de l’Europe, redonnant ainsi vie et esprit à une forme d’art qui avait besoin de cette force pour perdurer. Ses sculptures sont des témoignages vivants d’une humanité qui refuse d’être oubliée, offrant un lieu de rencontre entre passé et présent, tradition et modernité. Ils sont le souffle d’un continent vibrant, un écho des luttes et des triomphes qui continuent d’inspirer et de rassembler les gens autour de la beauté de l’existence humaine.
Ousmane Sow est né le 10 octobre 1935 à Dakar, et mort le 1er décembre 2016,, Membre de l’ Académie des Beaux-arts, Commandeur de la légion d’honneur, Commandeur de l’odre des ARts et des Lettres, Commandeur de l’ordre national du Lion du Sénégal.
Informations pratiques: https://www.maisonousmanesow.com/
Jean Marc Digbeu